Le projet poursuit sa route, ses motivations n’ont pas changé, ni ses objectifs ; nous avons cependant estimé qu’il fallait mettre l’accent et définir son objectif prioritaire comme étant le deuxième indiqué dans notre premier article.

Cet objectif est le suivant : « renforcer les liens entre les générations dans une mobilisation pour la survie de la langue, en (re)motivant dans ce but les adolescents (à commencer par ceux qui ont été scolarisés en filière bilingue) et leurs grands-parents bretonnants de naissance.« 

Il s’agit de sensibiliser le maximum de personnes en Bretagne au contexte historique du déclin de la langue bretonne, et de les appeler à réagir face à ce qu’on ne peut manquer de ressentir en prenant conscience de ce linguicide. Il faut amener les uns à convaincre les autres, les convaincus à convaincre les hésitants, les hésitants à convaincre les récalcitrants. L’erreur serait de rester « entre convaincus » :  il faut que chacun, ici en Bretagne, finisse par se sentir concerné et ait envie de faire quelque chose pour réparer cette injustice. Ce « quelque chose » sera la réalisation d’un témoignage (sous forme audio ou vidéo)  recueilli par les jeunes auprès de leurs aînés.

Etant donné l’urgence, il faut non seulement viser de toucher le plus grand nombre, mais il faut le faire de façon intelligente : pas des individus pris isolément, mais plutôt des groupements au sein des familles, associant simultanément trois voire quatre générations :

  • Les anciens : les bretonnants de naissance, ceux qui ont encore la connaissance, l’information, la compétence, le savoir, l’accent de la langue, mais qui ont subi de plein fouet la disparition programmée du breton et qui témoignent aujourd’hui, et souvent en refusant d’en parler,  des traumatismes qu’ils ont subi.
  • Les jeunes : qu’ils soient bretonnants ou non, il est essentiel et urgent de les impliquer et de les faire adhérer à la nécessité de  la préservation de la langue au nom de principes « qui leurs parlent » d’équité, de justice, de respect de nos racines et de notre culture… Et ce, en mettant l’accent sur le fait que ce sont des personnes qui leurs sont chères qui ont subi ces injustices : leurs grands-parents, grands-oncles, grandes-tantes, connaissances familiales, voisins…  Partant du fait qu’il ne faut pas compter sur une démarche spontanée des « anciens » pour se plaindre auprès des jeunes générations (à l’instar des prisonniers revenant au pays après des années de captivité), il faut pousser les jeunes à les interroger (« dis-moi grand-père, tu connais le breton, tu l’as parlé, parle-moi de cela, de cette époque, as-tu aimé ta langue, pourquoi ne la parles-tu pas ou plus, dis-moi quelques phrases, que s’est-il passé ?… »).

Et c’est dans cet élan d’une génération vers l’autre que pourront se renforcer des sentiments d’appartenance et de compréhension mutuelle. Bref, du vrai trans-générationnel, au service de la culture et de la langue.

  • Entre ces deux générations, apparaissent ceux qu’on nomme les maillons manquants, qui n’ont pas appris le breton (sauf de façon passive), et qui ne l’ont pas transmis à leurs enfants (sauf pour ceux qui ont eu et ont foi en Diwan…). Leur situation d’intermédiaires doit, pourvu qu’ils comprennent bien leur rôle, être positive, par l’intérêt qu’ils montreront dans cette volonté collective de « faire parler de la langue, sur la langue », renforçant les motivations des jeunes, et brisant les réserves et la pudeur des anciens…

Une fois que ce jeu à trois générations est bien compris, et l’argumentaire correctement préparé , on lancera une campagne de communication massive ciblant simultanément toutes les générations, avec des termes et des messages appropriés pour chacune. 

Le résultat attendu est d’abord l’initialisation d’un échange d’idées, dans les familles, sur la langue et la culture. Ensuite, cela devrait se concrétiser par quelque chose de tangible et de transmissible : la collecte sous forme de documents audio ou vidéo « co-réalisés » au sein des familles du plus grand nombre possible de témoignages en breton. Rien n’est plus facile pour un jeune de faire cela avec son smartphone (ou celui de ses parents) et de le stocker sur YouTube… Peut importe que le jeune collecteur soit lui-même bretonnant.  Même si seulement un bretonnant de naissance sur deux acceptait d’apporter son témoignage, le résultat en termes de collecte serait extraordinaire… Mais plus que le résultat documentaire lui-même, c’est la démarche inter générations qui est essentielle :ce n’est pas l’arrivée qui compte, c’est la route qui y mène…

Nous nous employons maintenant à trouver la bonne structure et les bons interlocuteurs (à commencer par un comité de pilotage et un groupe de représentants des « utilisateurs-futurs contributeurs » )  qui adhéreraient à ces considérations sur l’état de la langue, et seraient prêts à agir pour les mettre en œuvre et notamment à lancer la campagne de communication vers les familles, telle que décrite ci-dessus.

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Complément d’information :

Langue bretonne : elle est menacée de disparition selon 50 associations : https://www.letelegramme.fr/bretagne/langue-bretonne-menacee-de-disparition-selon-50-associations-14-11-2018-12133752.php



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